lundi 2 janvier 2023

J'en ai tant connu, des anges

J’en ai tant connu, des anges,

tant vu d’yeux (et Dieu si peu),

j’en ai croisé tant,

tant je suis devenu vieux,

qu’à chaque ange qui m’interpelle

je souris, papa gâteux,

en priant in petto pour que

jamais ne vienne le temps

que la cendre des hommes ne vienne

couvrir de cendre ses grandes 

ailes bleues.


J’en ai bien connu, des anges,

balbutiants les plus nombreux,

leur regard -étang d’eau claire-

réclamant une réponse 

à la question sans paroles

qui colore à tout âge encore

le mystère de l’entre-deux.

L’ange en son premier âge 

est le messager en langes

qui demande entre deux hoquets

« Homme-ange, me reconnais-tu?

Je t’apporte du bout du songe

des nouvelles d’éternité »


J’ai reconnu des anges dont les doigts

s’amusaient à des lettres déjà 

jouaient déjà à dessiner les étoiles 

et le soleil et la lune et les nues

souvenirs peut-être du voyage

de chez eux jusqu’à nos fanges.


Des anges en cours d’adolescence

j’en ai perçu parfois le drame.

Le fruit de l’arbre de l’Eden

tendu par une main adulte

et l’ange ingénu messager

devant un choix incongru à faire:

se savoir ici-bas, ou rester corps d’éther.


Certains anges parviennent

à cacher sous des vêtements trop larges

des ailes ployées -tant en secret 

que même sous l’intime duvet

elles échappent aux mains de l’autre: 

plumes et peau se confondent-

et c’est dans leurs éclats de rire

qu’éclate la joie du monde.


A la fin de son âge sur terre

la part de l’ange s’éclaire 

au front d’un corps qui s’efface

et des larmes sublimes arrosent 

le cristal pur où l’on boit

les mots sans mots qu’on echange.


J’en ai connu des anges, et tant!

J’en ai connu des anges, et quand

l’homme en sa bêtise vante

l’or ou le fer, la guerre ou l’orge,

moi, loin des mines, des champs, loin des forges,

j’égrène un chapelet de prénoms 

ornés de coraux qui chantent

un écho d’éternité 

venu d’un feu d’amour et songes.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire