J’en ai tant connu, des anges,
tant vu d’yeux (et Dieu si peu),
j’en ai croisé tant,
tant je suis devenu vieux,
qu’à chaque ange qui m’interpelle
je souris, papa gâteux,
en priant in petto pour que
jamais ne vienne le temps
que la cendre des hommes ne vienne
couvrir de cendre ses grandes
ailes bleues.
J’en ai bien connu, des anges,
balbutiants les plus nombreux,
leur regard -étang d’eau claire-
réclamant une réponse
à la question sans paroles
qui colore à tout âge encore
le mystère de l’entre-deux.
L’ange en son premier âge
est le messager en langes
qui demande entre deux hoquets
« Homme-ange, me reconnais-tu?
Je t’apporte du bout du songe
des nouvelles d’éternité »
J’ai reconnu des anges dont les doigts
s’amusaient à des lettres déjà
jouaient déjà à dessiner les étoiles
et le soleil et la lune et les nues
souvenirs peut-être du voyage
de chez eux jusqu’à nos fanges.
Des anges en cours d’adolescence
j’en ai perçu parfois le drame.
Le fruit de l’arbre de l’Eden
tendu par une main adulte
et l’ange ingénu messager
devant un choix incongru à faire:
se savoir ici-bas, ou rester corps d’éther.
Certains anges parviennent
à cacher sous des vêtements trop larges
des ailes ployées -tant en secret
que même sous l’intime duvet
elles échappent aux mains de l’autre:
plumes et peau se confondent-
et c’est dans leurs éclats de rire
qu’éclate la joie du monde.
A la fin de son âge sur terre
la part de l’ange s’éclaire
au front d’un corps qui s’efface
et des larmes sublimes arrosent
le cristal pur où l’on boit
les mots sans mots qu’on echange.
J’en ai connu des anges, et tant!
J’en ai connu des anges, et quand
l’homme en sa bêtise vante
l’or ou le fer, la guerre ou l’orge,
moi, loin des mines, des champs, loin des forges,
j’égrène un chapelet de prénoms
ornés de coraux qui chantent
un écho d’éternité
venu d’un feu d’amour et songes.
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